Selon l’article L. 415-10. (1) du Code du travail, les membres effectifs et suppléants de la délégation du personnel sont protégés tant contre un licenciement avec préavis que contre un licenciement pour faute grave. Si l’employeur estime néanmoins que le délégué protégé a commis une faute grave, il a la faculté de prononcer une mise à pied et d’agir en résolution judiciaire du contrat de travail conformément à l’article L. 415-10. (4) du Code du travail, procédure qui est cependant rarement utilisée en pratique du fait de sa grande complexité et de ses risques inhérents pour l’employeur.
Dans une affaire récente1, l’employeur, une administration communale, a prononcé une telle mise à pied contre un délégué du personnel en date du 8 septembre 2016 en lui reprochant d’avoir exploité un débit de boisson sans avoir demandé son accord préalable, de s’être présenté à plusieurs reprises à son lieu de travail en état alcoolisé et d’avoir commis plusieurs négligences dans l’exécution de son travail d’infirmier diplômé affecté au centre intégré pour personnes âgées. L’employeur a considéré que les faits ont été énoncés de manière précise dans la lettre de mise à pied et qu’ils constituaient des motifs de nature à justifier la mise à pied opérée. Il soutenait que le comportement constituait un danger réel et imminent pour les résidents, incompatible avec les obligations découlant de la fonction du salarié, et rendant impossible toute collaboration dans un domaine aussi sensible que celui du traitement de personnes âgées, particulièrement vulnérables.
Le salarié, quant à lui, a contesté la réalité et la gravité des faits lui reprochés ainsi que le respect par l’employeur du délai d’invocation d’un mois prévu par l’article L. 415-10. (4) du Code du travail.
La Cour d’appel a retenu qu’il « découle de l’ensemble du dossier que le comportement de A constitue un danger réel et imminent pour les résidents, incompatible avec les obligations découlant de la fonction d’infirmier du salarié et rendant impossible à elle seule toute collaboration dans un domaine aussi sensible que celui du traitement de personnes âgées particulièrement vulnérables. La mise à pied est dès lors à déclarer justifiée sans qu’il n’y ait lieu de procéder à l’analyse des autres reproches avancés par l’employeur. La mise à pied du 8 septembre 2016 n’ayant été notifiée au salarié délégué que le lendemain par sa remise en mains propres, le contrat de travail est à déclarer résilié avec effet au 9 septembre 2016. »
Le délégué du personnel était également tenu de rembourser l’intégralité des salaires qu’il a perçus après les trois mois suivant la date de la notification de la mise à pied, donc de décembre 2016 à décembre 2017. Or, même si l’employeur a obtenu gain de cause dans cette affaire, il convient de rendre les employeurs attentifs sur le fait que le délégué du personnel a ici opté pour la première des deux options qui lui sont offertes par l’article L. 415-10. (4) du Code du travail, donc celle du maintien de son salaire au-delà de la durée de trois mois à partir de la notification de la mise à pied, en attendant la solution définitive du litige. Cependant, l’article cité lui donne, alternativement, la faculté de « saisir dans les trois mois de la notification de la mise à pied, le tribunal du travail d’une demande en constatation de la résiliation du contrat et d’une demande tendant à la condamnation de l’employeur à verser des dommages et intérêts tenant compte du dommage spécifique subi par la cessation du contrat en rapport avec son statut de délégué jouissant d’une protection spéciale. » Le délégué exerçant cette option est à considérer comme chômeur involontaire au sens de l’article L. 521-3. du Code du travail à l’issue des trois mois suivant la notification de la mise à pied prononcée par l’employeur.
En vertu du manque de jurisprudence en la matière et de la complexité des options et procédures ouvertes aux parties, l’assistance d’un expert avisé est indispensable avant d’engager une procédure de résolution judiciaire.